Seiji Ozawa, immense
musicien, chef d’orchestre magique et humaniste, est mort. Robert Badinter, avocat
politicien, père de la loi qui a supprimé la peine de mort, est mort lui aussi,
un jour après. Dès l’annonce du décès de ce dernier, la terre s’est arrêtée de
tourner et toutes les stations radios et chaines télés se sont ruées sur le
passé de l’homme, sur ses mérites, sur son humanité, sur sa grandeur, sur tout
un tas de trucs et machins démesurés que seul un héros est en capacité de
réaliser. En un claquement de doigts, l’homme est devenu Siegfried, Superman,
Goldorak, Inspecteur Gadget. Cependant, si l’on ne met plus à mort les
criminels, on continue de priver les populations de l’essentiel, on persiste
dans les guerres où meurent chaque jour des milliers d’innocents, on entretient
l’ignorance pour mieux exploiter les démunis. Alors, je ne vois pas en quoi la
suppression de la peine de mort est un sujet, sinon celui du désencombrement
minimaliste des prisons. Et de l’autre côté, du côté de la lumière, un homme,
un des rares dont on peut dire qu’il a été un homme, Seiji Ozawa -l’humanité faite homme – chose rarissime,
nous a quittés. Il était un des plus importants musiciens de notre monde, un des
plus grands génies de la direction d’orchestre, un maître absolu, suivi par ses
pairs et les jeunes générations, un homme apprécié pour son immense talent et sa
générosité dans ses relations. Pas une station radio, pas une chaine télé –
dont France 2 trop préoccupée par ses pitoyables Victoire de la Musique – n’ont
évoqué son nom. Alors, voyez-vous, pour moi, la peine de mort n’est qu'une goutte
d’eau dans un océan déchainé !