Affichage des articles dont le libellé est au-dessus des foules obscures. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est au-dessus des foules obscures. Afficher tous les articles

dimanche 22 novembre 2020

au-dessus des foules obscures • kathleen ferrier, contralto - gustav mahler, kindertotenlieder (1949)


 


 

A trente ans, à peine si elle savait qu’elle serait une chanteuse. Onze ans plus tard, en 1953, elle allait héroïquement au bout de deux représentations de l’Orphée de Gluck et se rendait à l’ennemi, l’impitoyable leucémie. Comme Lipatti trois ans plus tôt. Comme lui après le plus bouleversant, le plus noble, le plus bref Chant du Cygne. Être Orphée et mourir. Mais qu’elle immortalité, depuis qu’elle nous a fait entendre cette voix qu’un poète a dite venue d’une autre rive.

 

Il y a des voix qui sont des appels. Elles n’ont presque pas besoin de chanter : elles sont. Le timbre est là, qui ne s’apprend pas. Il y a des mots qu’il suffit de dire. Il y a la sensibilité qui sans avoir besoin de chercher, trouve et touche. Comme c’est simple ! Pourtant cela semble venir de plus loin que le monde. C’est Orphée, qui ouvre les oreilles, et anime les pierres. Qu’on entende ce simple air de Haendel, dévêtu de son orchestre, de son brio italien, de sa virtuosité vocalisante. Reste (« Come to mee, soothing sleep ») la loyauté des mots, dits avec un tact sublime, l’honnêteté d’un chant objectif et pur, quelque chose d’aussi rare, d’aussi simple, d’aussi nécessaire que l’eau pure. C’est pour cette surnaturelle honnêteté que Bruno Walter aima Kathleen Ferrier. Elle avait peur de n’être pas assez bonne en allemand, elle avait peur de ne pas être assez chic pour Salzbourg. Elle ne savait être qu’elle-même et ne savait pas que c’était pour cela qu’on l’aimait. Bruno Walter n’expliqua rien : il fit sentir. Et pout Kathleen Ferrier sentir, c’était savoir. Il en résultat une rencontre musicale divinatoire, une des bénédictions de notre temps. Et c’est une des grâces du disque, d’avoir su fixer ces choses immortelles.

 

Haendel, Purcell, les duos avec Isobel Baillie, c’est le versant anglais de Kathleen Ferrier : santé et simplicité, un chant entre l’église et la campagne, où il est également chez lui. Mahler, c’est l’autre versant, révélé par Bruno Walter. Ensemble, à Edimbourg et à Salzbourg, ils donneront un Chant de la Terre au bout duquel, murmurant ses derniers Ewig… Kathleen pouvait à peine aller. Et le public, retenait son souffle, et ses larmes. Mais ces Kindertotenlieder, c’est une expérience presque plus déchirante. C’était 1949, au lendemain de leur rencontre. L’ami, le confident, le légataire de Mahler disparu de puis presque quarante ans, menait à Mahler la voix que celui-ci avait rêvée, sans jamais l’entendre. Avec l’ingénuité de cette Anglaise qui, sept ans plus tôt, ne savait pas qu’elle serait chanteuse, ni à plus forte raison chanteuse allemande, avec ses mots gauches et vrais, qui osent l’émotion la plus nue, et la pudeur la plus réservée. Mahler et son cycle de Mort trouvaient enfin la voix qu’il leur fallait : pas la révolte mais la compassion. L’Amour qui ose dire son nom. L’Ange, à nous venu, comme une voix qui connaît l’autre rive.

 

Les destins foudroyés sont, évidemment, les plus poétiquement beaux. Mais enfin cela ne suffit pas. Hors sa mort à 43 ans, Kathleen Ferrier n’eut rien de romanesque. Son héritage de disques, ce sont des chansons du pays, des airs de Bach ou de Haendel, bien peu de Brahms ou de Schumann, et en opéra Orphée seulement : rien qui puisse faire les légendes mondiales. Et pourtant elle est une légende : pour tous ceux qui, nés bien après sa mort, la découvrent encore, un rêve devenu vrai. Comme c’est simple, cela aussi ! Sans affection, sans artifice, sans rien, presque sans l’avoir voulu, Kathleen Ferrier est là, proche, présente. Presque intérieure. Pour une fois, le miracle du chant, c’est cette chose toute simple : la vérité d’une voix. (André Tubeuf)

 



Bruno Walter conducts Mahler - Kindertotenlieder (Wiener Philarmoniker), Kathleen Ferrier (1949)

1 - 00:00 Nun will die Sonn' so hell aufgen'n

2 - 04:50 Nun seh' ich wohl, warum so dunkle Flammen

3 - 09:27 Wenn dein Mütterlein tritt zur Tür herein

4 - 13:57 Oft denk' ich, sie sind nur ausgegangen

5 -16:50 In diesem Wetter, in diesem Braus

 

Enregistré le 4 octobre 1949

 

Kathleen Mary Ferrier, née le 22 avril 1912 à Preston en Angleterre et morte à Londres le 8 octobre 1953, est une contralto anglaise qui a acquis une renommée internationale grâce à la scène, aux concerts et à ses enregistrements.

lundi 5 octobre 2020

au-dessus des foules obscures • wilhelm furtwängler, chef d’orchestre - ludwig van beethoven, symphonie n°9 en ré mineur (berlin 1942)



 

Si l’enregistrement légendaire de la 9e Symphonie de Ludwig van Beethoven dirigé par Wilhelm Furtwängler à Bayreuth en 1951 reste la référence absolue, il est impossible de négliger cet enregistrement plus violent, plus tendu et plus sauvage, de 1942 avec le Philharmonique de Berlin. En effet, son extrême violence marque l’œuvre du célèbre compositeur romantique et très souvent déprimé. Ici, Furtwängler avance, rompt les rythmes, se soucie peu des indications en se donnant librement à une expressivité exacerbée que Beethoven n’aurait pas reniée. L’adagio d’une ardeur spectaculaire projette une tension explosive. Le finale est d’une cruauté inimaginable avec des moments expressionnistes d’une intensité jamais vue. Le magnifique ténor Peter Anders domine la distribution du quatuor vocal, même si ses trois compères offrent une belle interprétation. Le romantisme échevelé de Furtwängler, la vivacité de ses tempos, dévoilent une Neuvième sévère, dramatique et purificatrice. Le finale ne chante pas la Joie mais la grandeur des tourments apocalyptiques.

 



Ludwig van Beethoven, Symphony n°9 op.125

I. Allegro ma non troppo un poco maestoso 0:00

II. Molto vivace 17:17

III. Adagio molto e cantabile 28:39

IV. Presto - Allegro assai 48:46

 

Tilla Briem, soprano

Elisabeth Höngen, mezzo-soprano

Peter Anders, ténor

Rudolf Watzke, basse

Chor Berliner Philharmoniker

Wilhelm Furtwängler, director

 

Live recording, Berlin, 22-24.III.1942

 

Wilhelm Furtwängler, né le janvier 1886 à Berlin et mort le novembre 1954 à Baden-Baden, est un chef d'orchestre et compositeur allemand

Il fut l'un des plus importants chefs d'orchestre de l'histoire de la musique classique occidentale, notamment grâce à ses interprétations de la musique symphonique allemande et autrichienne qui font encore référence pour les musicologues et les interprètes actuels.