« Anatomie d’une chute » rafle toutes les récompenses, dans le monde entier. Cette chute disséquée serait-elle celle du cinéma ? La laideur d’un chalet-refuge, un couple de tarés où la femme lesbienne alcoolique exaspère l’homme dépressif qui meurt dès les premières images, une caricature de procès dans un tribunal-asile psychiatrique, un couple chien-enfant qui observe ce bazar en se demandant ce qu’il fait là, et pour bien enfoncer le clou, une musique originale d’un farfelu ignorant. Justine Triet – incapable de bouger la caméra - s’est donné le premier rôle : la femme indécise et sans opinion n’ayant pas encore lu « La Philosophie pour les nuls ». Une caméra inexistante, des dialogues de marchés aux poissons, des caractères sans couleurs – excepté la démesure extravagante du méchant avocat -, de l’anti-cinéma, à moins que ce ne soit le cinéma d’aujourd’hui, celui qui ressemble tant au désastre de la civilisation. Bref, je n’ai vu qu’un banal reportage de France 3 sur une enquête policière ennuyeuse et un procès lu dans un roman de gare, pour laquelle il ne m’est jamais venu l’idée de me créer un frisson de compassion. Je retourne à Bergman, Bunuel, Hitchcock, Dumont, Lynch – encore Lynch -, Gilligan (Breaking Bad, Better caul Saul), Waller-Bridge (Killing Eve), Tolefdano et Nakache (En Thérapie) et quelques autres qui ont le pouvoir de me remplir. À force de sombrer, le monde ne voit même pas qu’il se vide du rouge de son sang dans le noir du fond de mon puits au fond de mon jardin.