mercredi 14 septembre 2022

vu à travers le tube • ignorance…

Jean-Luc Godard, Masculin Féminin
L’ignorance, née avec l’homme et collée à sa peau comme le scotch du Capitaine, restera son unique ennemi et c’est de sa main que tous les jours, il souffre et meurt. Depuis les millénaires de son existence, jamais, il n’a réussi à guérir cette plaie sanglante et purulente. Seul Parsifal aurait pu le faire, comme il l’a fait pour la plaie d’Amfortas. Mais Parsifal n’est qu’un sujet comme les autres dans la sphère des Dieux et des êtres imaginaires que la pensée de l’homme créée pour combler le trou noir du fond de son puits et lui donner l’illusion qu’il existe. Si son trou noir était puits de lumière, il serait effaré, effrayé et anéanti par sa conception des valeurs qu’il attribue à tort et à travers en fonction des choses dites et répétées pour lui éviter de penser. Il y aura eu une bonne vingtaine de jours et nuits, sans un instant de relâche, pour une vieille femme morte surnommée « Reine » qui n’a rien fait de sa vie formatée, fabriquée, dessinée, hors d’elle-même, vieille femme qui n’a jamais connu l’authenticité de ceux - denrée rare - qui peinent par eux-mêmes et qui aura joué toute sa longue vie une mauvaise pièce de théâtre qu’aucun directeur de scène n’oserait mettre à l’affiche. Comment ose-t-on exposer son cercueil ambulant aux yeux du monde, monde pissant l’immonde, et chanter les louanges de cette mécanique qui n’a fonctionné que parce qu’elle a pu choisir la qualité l’huile de ses roues dentelées. Elle n’a rien apporté au monde. Elle n’a vécu que par sa position sociale du Moyen-Âge et par les faveurs inconvenantes que la bourgeoisie purulente lui a accordée. J’ignore cette intruse et j’ignore ses complices. Je préfère regarder et me réjouir de cette mort qui nous montre en gros plan un homme libre qui a vécu sa vie selon son moi authentique, un homme qui, en révolutionnant le cinéma, a montré une façon de vivre non convenue, non sociale, non bisousnours-aimez-vous-les-uns-les-autres, un homme qui se plaisait à déconstruire pour reconstruire différemment et jamais comme le dictent les lois scélérates. Godard était une mosaïque aux éléments interchangeables qui retombait toujours sur ses pattes en mettant en avant son cœur gros comme une montagne. Il est mort comme il a vécu, en homme libre qui a choisi le jour et l’heure de sa mort. C’est là et nulle part ailleurs qu’est l’exemple.   


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