lundi 21 avril 2025

le puits au fond du jardin • freud et boulez…

 



 

L’Académie du Festival de Lucerne fut les années heureuses où les jeunes musiciens talentueux, soucieux de toujours mieux maitriser les éléments sonores qui les accompagneront toute leur vie, venaient voir, écouter et tenter le voyage mystérieux et infini que Pierre Boulez, le mythe, leur offrait chaque année, avec une simplicité et une clarté qui ouvrent les portes des fondamentales évidentes qui conduisent le monde et dont peu ont la connaissance. Ici, les rythmes impossibles, les sonorités déconcertantes, prennent l’allure d’une comptine que chantonnait les civilisations antiques à leurs enfants qui étaient alors des enfants sages. L’Académie, c’est la confrontation d’un vieillard d’un autre siècle et d’une jeunesse qui a une passion pour colonne vertébrale. Pierre Boulez le dit lui-même : « Ils sont formidables, mais la rencontre n’est pas simple et la confidence est difficile. Ils sont fragiles parce qu’ils n’osent pas. Ils n’osent pas me poser les bonnes questions, de peur que ma réponse détruise leur édifice, alors que jamais je n’autoriserai la moindre destruction. Ils sont avides de savoir, mais leur manque d’audace les paralyse et ce n’est que prudemment qu’ils consentent à entrer dans le jeu que je leur propose : la liberté d’être et d’agir. C’est pourquoi, je les retrouve ici, à Lucerne, chaque année, et chaque année, je les sens pénétrer le cercle des hommes libres, d’une manière de plus en plus accentuée. Que ce soient mes œuvres, Stravinski ou Stockhausen, ils entrent dans les moindres recoins, y dénichent la note qui s’est effacée ou celle qui a trop vibrée et je me contente de leur dire et de leur monter que la musique, quelque soit sont origine, n’est pas une démonstration bruyamment publicitaire, mais l’action de lever un voile sur une émotion mystérieuse et discrète qui sort de notre intime pour rencontrer l’autre et faire un bout de chemin avec lui, la main dans la main. »  Pierre Boulez aura mis le doigt sur le problème actuel qu’est l’incompréhension entre les générations, qui se détériore à grande vitesse, d’autant que les générations sont de plus en plus rapprochées et qu’il n’est pas rare qu’elles aillent du grand-père aux arrières petits-enfants. Écouter et regarder ce moment privilégier, le décortiquer et en comprendre tous les sens, permettrait sans doute de jeter au rebut les monstres inconsistants de la politique, du journalisme et de la chronique. Penser autrement est le secret du rebondissement de l’homme qui n’a jamais su penser, donc vivre. Freud doit être heureux de voir qu’il a un successeur digne de sa pensée. S’il a su analyser magistralement les comportements des psychismes, Boulez a su analyser, non moins magistralement, les composantes des masses sonores, et l’œuvre des deux hommes restera à tout jamais dans l’histoire de l’humanité.

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