Voilà ! C’est fait ! Dur séjour à Berlin et surtout
immense déception après un Ring miraculeux – miraculeux – en novembre au
Deutsche Oper. Je me suis déplacé pour « Les Maitres chanteurs de Nuremberg »…
de Wagner et en ai profité pour voir « Les Contes d’Hoffmann »… d’Offenbach.
Je vais passer sur « Les Contes ». C’était bien. Belle mise en scène.
Superbe orchestre dirigé par l’excellent français Emmanuel Villaume, sauf qu’Hoffmann
(Robert Watson) a hurlé toute la soirée pour finir un demi ou un ton plus bas
et que Heather Engebretson (Olympia, Antonia, Giulietta, Stella) superbe dans
le grave et le médium n’a pu se retenir de crier ses aigus au point de devoir
se boucher les oreilles. Par contre, magnifique Muse/Niclausse (Jana Kurucova).
Beau spectacle tout de même où malheureusement le rôle-titre a été composé pour
un ténor, une rareté de plus en plus criante – c’est le mot -. J’en viens aux « Maîtres ».
Je n’y ai pas entendu de Wagner, ni de musique. En entrant dans la salle, on m’a
précipité dans les bas-fonds de Singapour où j’ai été terrifié de 16 heures à
22 heures 30 et je n’ai même pas réussi à me reprendre au cours des deux
entractes. Chef remplaçant (John Fiore en place du maître des lieux Sir Donald Runnicles).
Beckmesser aphone, gesticulant sur scène pendant qu’un double chantait dans les
coulisses. Peut-être en raison du manque de répétitions – ou pas du tout - avec
le nouveau chef, peut-être en raison de la méconnaissance de la partition de ce
dernier, orchestre ridiculisé par le manque de précision, le manque de nuances,
le manque de couleur, le manque de son. Et dire que c’est ce même orchestre, sous
la direction de son chef titulaire Sir Donald Runnicles, qui a joué ce Ring de
légende que j’ai eu la chance de voir et d’écouter. Que dire des restes ?
La relation incestueuso-pornographique entre Eva et Sachs. La voix accordéon,
instable, épouvantablement m’as-tu vu, passant de l’inaudible à la surpuissance
métallique de Walther (Klauss Florian Vogt). Pogner (Albert Pesendorfer), le
père-mac d’Eva (Heidi Stober), inexistant dans une inexistence surprenante.
Sachs, podologue-pédophile et non cordonnier, fade, épuisé, hors du temps,
perdu dans les orgies orgiaques des nurembergeois. Le piano du Ring bien vieilli, désaccordé et pesant sous les doigts
du Beckmesser sans voix, égrené par celui des coulisses et « joué »
par une harpiste en fosse sur une harpe non accordée. Bouquet presque final :
le magnifique quintette du trois ou pas une note n’est passée à part quelques
cris et quelques grognements. Enfin, bouquet vraiment final où les amoureux ont
fui le spectacle en sortant au milieu de l’acte par une passerelle apparue par
miracle et où des trompettes et des tambours vêtus des uniformes de Waterloo
ont fait semblant de jouer ou ont joué sans se faire entendre. Pas de costumes
ni de décors, à part une salle de classe où des centaines de gens (trans)portaient
des chaises d’une coulisse à l’autre puis de l’autre à l’une avant de se rassembler
sur l’avant-scène en menaçant les spectateurs de leurs quatre pieds, gestes
phallusiens que même Freud aurait reniés. Je connais « Les Maitres »
depuis près de soixante ans. Je n’ai strictement rien compris. J’aurais encore
beaucoup à rajouter. À quoi bon ! Le vrai scandale, ce sont les spectateurs
qui ont applaudi à tout rompre des gens qui se sont foutus de leur gueule. Fin.