Dimanche 10 septembre 2023. 18h30. Lucerne (Suisse). Avec un
calme impressionnant, la jeune cheffe lituanienne, Mirga Gražinytė-Tyla, monte
au pupitre de l’Orchestre Philharmonique de Munich. Elle va conduire la 2ᵉ
symphonie de Gustav Mahler - œuvre grandiose avec soprano, mezzo et grand chœur
mixte - à bon port, faisant fi des vagues, des tempêtes et des tsunamis. La
capitaine du paquebot a été inflexible. Je n’ai pas reconnu la caresse angoissée
d’Abbado, ni la poigne de Rattle. Elle a abandonné le geste au regard - son
regard dans le regard de ses musiciens - qui a dominé son voyage dont elle a
rejeté d’un revers de main les embûches de l’écriture du compositeur, écriture magnifique
qu’elle a savamment ciselé dans une masse sonore d’une prodigieuse clarté. Des
pianissimi magiques aux fortissimi pleins, puissants à l’extrême, elle a su comme
jamais préserver les silences dont elle a fait le thème de la symphonie. Du
premier accord au dernier - 1 heure et 20 minutes plus tard - elle a gardé sa
vision minimaliste dans une grande et puissante fresque, entrainant musiciens, solistes, choristes et public dans le lien indéfectible, indestructible, de sa passion.
Mirga Gražinytė-Tyla a fait triompher Gustav Mahler, sans gestes, sans
mouvement intempestifs, avec sa puissance psychique à laquelle on ne peut
résister. Fréquentant Mahler depuis plus de 60 ans, je crois bien l’avoir
découvert. Et ce qui est sûr, c’est que mon admiration pour Mirga
Gražinytė-Tyla que je suis sur les chaînes Mezzo et Classica, n’aura été que
confirmée et même considérablement renforcée. Avec Yuja Wang et Barbara
Hannigan, la nouvelle génération de musiciens complets est arrivée. Elle est
solidement ancrée. Curieux qu’elle soit placée sous l’autorité du sexe féminin.
Il faut en profiter, car les sexes sont en voie de disparition…